Réussir son implantation à l’international signifie aussi réussir la gestion de la mobilité des talents au-delà des frontières. Avant d’envoyer un salarié à l’étranger, 3 questions préalables se posent. Ce salarié a-t-il le droit d’entrer dans ce pays ? Le droit d’y séjourner ? Le droit d’y travailler ? Une fois ces voyants au vert, il s’agit d’organiser cette mobilité. Voici 10 points clé.
1 - L'information préalable du salarié
L’employeur est tenu de fournir au salarié un certain nombre d’informations relatives à la mission spécifique du salarié à l’étranger, à son lieu d’affectation (attention à être précis sur le lieu d’exécution du travail), à son environnement hiérarchique (qui sont son employeur, son supérieur hiérarchique, celui qui lui donnera ses instructions et à qui il aura une obligation de reporting ?), à ses fonctions, précisées dans une fiche de poste signée, à la durée prévisible de la mission, à sa rémunération (montant, devises…).
2 - La politique de mobilité
Elle concerne les éventuels avantages en nature ou en espèces qui existent ou qui vont être mis en place par la société pour accompagner son salarié à l’étranger. Ce point comprend notamment la prise en compte, ou pas, de la famille : prise en charge de tout ou partie de la scolarité des enfants dans une école française, internationale ? Aide au logement ?
3 - La convention collective applicable
Certaines conventions collectives prévoient des dispositions spécifiques en cas de mobilité internationale qu’il convient de vérifier afin de s’y conformer (ex : Métallurgie, SYNTEC).
4 - L'employeur
Comment se traduit concrètement ce départ à l’étranger ? Quel lien l’employeur conserve-t-il avec le salarié ? Est-il exclusif avec un détachement ? Partagé avec une structure locale ? Ou prévoit-on une expatriation avec un transfert du salarié ? Pour décider des modalités adaptées de ce départ, il est nécessaire de revenir à la définition même du contrat de travail, c’est-à-dire, à la fourniture du travail, au paiement d’une rémunération en contrepartie du travail et à l’existence d’un lien de subordination. Une fois ces trois points analysés selon les objectifs qui sous-tendent ce départ, se dessinera le type de contrat adapté.
5 - Les conditions d'exécution de son contrat de travail
A défaut de choix des parties, le principe de territorialité prévaut: la loi qui s’applique à la relation contractuelle est celle du lieu d’exécution du contrat de travail. En tout état de cause, l’employeur a l’obligation de garantir que les conditions de travail à l’étranger respectent les normes impératives françaises (notamment en matière de santé, sécurité, durée du travail et rémunération). Bien qu’il n’existe pas un droit du travail de l’UE harmonisé, des règles internationales s’imposent afin de permettre d’organiser concrètement les situations impliquant plusieurs Etats et de déterminer le droit applicable (ex : la Convention de Rome du 19/06/1980 et le Règlement 593/2008 du 17/06/2008).
6 - La protection sociale
Pour ce qui concerne la sécurité sociale, c’est également le principe de territorialité qui va prévaloir (paiement des cotisations de sécurité sociale dans le pays d’exercice de l’activité). Toutefois, il existe des exceptions en cas de détachement (conditions précises à respecter), d’impatriation ou de couverture volontaire à un organisme par exemple.
Dans le cas du détachement, l’employeur doit vérifier si une convention bilatérale de sécurité sociale existe entre la France et le pays de détachement. Pour pouvoir continuer de bénéficier du régime de SS français, le salarié détaché doit obtenir un certificat de détachement (formulaire A1). Ce certificat doit être présenté à la caisse de SS du pays de résidence pour la prise en charge des frais médicaux.
En cas d’expatriation, l’employeur devra notamment prendre soin d’étudier l’équivalence des droits et garanties.
7 - L'assurance complémentaire
Ce point vient répondre à la question : comment garantir au salarié un niveau de prise en charge équivalent à celui qu’il avait en France ? Il est conseillé à l’employeur de souscrire une assurance complémentaire pour couvrir les frais médicaux qui pourraient excéder les prestations servies par le régime français.
8 - La fiscalité
La fiscalité tient une place essentielle dans la question de la mobilité internationale. Le principe est une nouvelle fois celui de la territorialité (imposition dans le pays d’exercice de l’activité) mais il existe des exceptions en cas de séjours temporaires. Il importe de se poser la question de la résidence fiscale du travailleur pour déterminer les obligations déclaratives de ce dernier et le pays dans lequel il sera imposé.
L’employeur devra également vérifier les dispositions des conventions bilatérales fiscales, qui permettent notamment d’éviter les doubles impositions et savoir s’il souhaite mettre en œuvre le principe d’égalisation fiscale afin d’éviter à son salarié une prise en charge sociale et/ou fiscale supplémentaire à celle qu’il aurait supportée en France.
9 - Le rapatriement
L’employeur doit organiser le rapatriement du salarié si nécessaire, et informer le salarié des conditions de ce rapatriement avant le départ en cas de retour anticipé pour causes médicales par exemple, ou de rupture du contrat à l’initiative du salarié ou à l’initiative de l’employeur.
10 - L'échéance de la mission
L’employeur doit envisager également les conditions de retour dans les circonstances prévues comme les suites à donner à la relation de travail en fin de mission ou le retour concret du salarié (déménagement, réintégration).
Et pour le télétravail ?
Mises en avant par la crise sanitaire, les demandes de télétravail ne faiblissent pas.
Dans le cas par exemple d’une mutation de conjoint, le salarié demande plus facilement à télétravailler lorsqu’auparavant il démissionnait pour chercher un emploi proche du lieu d’exercice de son conjoint.
Dans le cadre d’un télétravail depuis l’étranger, il importe de bien considérer que le travail est lié au pays du domicile du salarié. Le contrat de travail doit donc être analysé pour s’assurer qu’il respecte les lois d’ordre public s’appliquant au pays du domicile comme les jours fériés ou la durée maximale du travail.
Sont dès lors à considérer les questions relatives à la protection sociale et à la fiscalité applicables au salarié. L’employeur doit donc informer les salariés du nouveau cadre légal, fiscal et social d’exercice de son travail.
Le télétravail demande également d’adapter son management. Responsable de la santé et de la sécurité au travail de son salarié, l’employeur doit veiller à ce que la distance ne nuise pas au bien-être du salarié.
Une formation des responsables RH et des managers à ces spécificités peut être utile.
Global Legal Committee
Cette structure de coopération interne au réseau Crowe associe des avocats et des juristes du réseau dans le monde entier dans le but d’échanger sur les réglementations et pratiques locales. L’objectif est de simplifier et de sécuriser le déploiement de salariés quel que soit le pays d’exécution du contrat de travail.
Article rédigé par Pauline Tedeschi, juriste en droit social et membre du Comité Crowe Legal