Le versement de dividendes reste un outil clé pour récompenser les actionnaires, mais il est strictement encadré par la loi. Une récente décision de la Cour de cassation (arrêt n° 23-11.410 du 12 février 2025) vient rappeler à tous les dirigeants que certaines pratiques, pourtant courantes, peuvent désormais poser des problèmes. Voici ce qu’il faut savoir pour éviter les erreurs et sécuriser vos décisions d’assemblée.
Comment sont normalement décidés les dividendes ?
En temps normal, les dividendes sont votés chaque année lors de l’Assemblée Générale Ordinaire Annuelle (AGOA). C’est une réunion obligatoire pendant laquelle les associés ou actionnaires approuvent les comptes de l’exercice écoulé.
Après cette approbation, et uniquement si les comptes font apparaître un bénéfice distribuable, l’AG peut décider de verser une partie de ce bénéfice sous forme de dividendes. Ce cadre est défini à l’article L. 232-12 du Code de commerce.
Il est aussi possible, dans certains cas, de verser des dividendes exceptionnels en dehors de l’AGOA, par exemple à partir des réserves disponibles de la société. Ces distributions se font alors dans une autre assemblée générale, dite "extraordinaire", mais ce type d’opération était souvent étendu – à tort – au report à nouveau.
Ce que dit la Cour de cassation dans sa décision du 12 février 2025
L’affaire jugée concernait une société où les associés avaient :
• D’abord voté en AGOA l’affectation du résultat en report à nouveau ;
• Puis organisé une seconde assemblée quelques semaines plus tard pour voter une distribution de dividendes, prélevés sur ce report à nouveau.
La Cour de cassation a censuré cette pratique. Sa position est claire : Seule l’assemblée générale ordinaire annuelle qui approuve les comptes peut décider de distribuer le report à nouveau.
Concrètement, si l’AGOA affecte le résultat au report à nouveau sans décider immédiatement d’un dividende, une assemblée postérieure ne peut plus revenir sur cette décision pour puiser dans ce report à nouveau et le redistribuer.
Quelles sont les options encore possibles pour verser des dividendes ?
À la lumière de cette décision, voici les seules options valables pour distribuer des dividendes :
• Lors de l’AGOA :
C’est l’option la plus sûre. Vous pouvez :
- Verser des dividendes à partir du bénéfice de l’exercice clos ;
- Utiliser le report à nouveau accumulé lors des exercices précédents ;
- Combiner les deux, si les sommes disponibles le permettent.
• Lors d’une autre assemblée générale (hors AGOA) :
Vous pouvez encore décider de verser des dividendes, mais uniquement à partir des réserves constituées lors des années passées (Autres réserves disponibles).
Attention : vous ne pouvez pas utiliser le report à nouveau.
• Versement d’acomptes sur dividendes :
Une autre option consiste à verser des acomptes sur dividendes en cours d’année. C’est possible si la société a suffisamment de bénéfices et si un bilan intermédiaire est certifié par un commissaire aux comptes.
Cette solution permet d’anticiper partiellement la distribution de dividendes avant la clôture de l’exercice, tout en restant dans le cadre légal.
Quels sont les risques en cas de mauvaise décision ?
Si une société décide de distribuer des dividendes en dehors des règles définies par la Cour de cassation, la décision peut être contestée en justice et déclarée nulle. Cela signifie que les dividendes devront être remboursés par les associés qui les ont perçus, ce qui peut entraîner des tensions internes, des redressements fiscaux, ou même engager la responsabilité des dirigeants.
Ce qu'il faut retenir
- Le versement de dividendes est un droit des associés, mais il doit respecter un cadre juridique strict.
- Depuis la décision de la Cour de cassation du 12 février 2025, vous ne pouvez plus distribuer le report à nouveau dans une autre AG que l’AGOA.
- Pour sécuriser vos décisions, privilégiez les distributions lors de l’AG annuelle ou en dehors de celles-ci à partir des réserves.
- Si vous souhaitez anticiper, pensez aux acomptes sur dividendes – avec bilan certifié.